L’Arche de Noé

... texte et illustrations d’Elmer Boyd Smith

… traduction personnelle

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Ce texte est publié sous la licence Creative Commons CC-BY-NC.

Elmer Boyd Smith est également l’auteur d’un second livre pour enfants : « Pocahontas », publié en1906, et que vous pouvez retrouver ICI.

Illustration de couverture par Yana Movchan

L’avertissement

Aux premiers temps du monde, vivait le patriarche Noé. C’était un homme bon et vénérable, âgé déjà de six cents ans.

Noé fut averti qu’une grande inondation allait se produire, qu’elle descendrait des nuages et noierait toute la terre. Il raconta aussitôt à ses voisins ce qui allait arriver, mais ceux-ci refusèrent de le croire, et se moquèrent de lui en disant : « Eh bien, il n’y a qu’à laisser pleuvoir ! »

La construction de l’arche

Noé se mit cependant au travail pour bâtir un grand navire, afin d'être prêt pour le jour du déluge.

Il en posa la quille dans les pâturages, au milieu des pâquerettes. Les fainéants vinrent en défilé devant le chantier, ricanant d’une telle folie : construire un navire pour un simple jour de pluie !

Des obstacles retardent la construction

Mais Noé était certain d’avoir raison, et il persista dans son entreprise. Alors que la construction allait bon train, des problèmes surgirent. Des grèves retardèrent le travail, et certains ouvriers réclamèrent des augmentations de salaire, lançant des pierres à ceux qui voulaient travailler.

Noé négocia avec les grévistes pour que le travail reprenne. Car il craignait que la pluie ne survienne avant qu’il ne fût prêt.

Peinture et baptême du navire

Enfin, après de nombreux jours, le navire fut terminé. Noé en enduisit de goudron l’intérieur et l’extérieur, afin qu’il soit bien étanche. Il lui donna le nom d’Arche, et le peignit de toutes les couleurs, car il était fier de son travail.

Rassemblement des animaux

Noé rassembla tous les animaux de la terre, deux par deux, et leur expliqua qu’ils devaient entrer dans l’Arche, afin d’être sauvés du déluge.

Mais, comme les hommes, eux aussi doutaient et tardaient à se décider. Ils craignaient d’entrer dans le sombre vaisseau.

Ils grommelaient, marmonnant : « Ce ne sera peut-être qu’une simple averse. »

Rassemblement des animaux (suite)

Bien que Noé leur ait expliqué tous les risques qu’ils encouraient en n’embarquant pas, ils hésitaient encore. Dans leurs différents langages, ils continuaient à discuter, et refusaient qu’on les pressât.

Noé les traita de « têtes de pioche », mais même cela, ne les fit pas changer d’avis.

Les premiers montés à bord

Noé, vexé, préféra ne pas insister. Il décida de faire monter à bord en premier ses propres animaux domestiques, espérant donner l’exemple aux autres. Ses fils, Shem, Ham et Japheth, l’aidèrent à conduire les bêtes, tandis que lui-même, établissait un premier recensement.

Confusion

De nouveaux problèmes surgirent alors. En effet, les autres animaux, craignant à présent d’être laissés pour compte, tentèrent de monter dans le navire tous en même temps. Il fut impossible de les maîtriser.

Mais ils ne laissèrent pas pour autant derrière eux leurs antipathies et leurs anciennes querelles. En effet, comment les chats et les souris pourraient-ils vivre ensemble en paix ? Comment le renard et les oies pourraient-ils sympathiser ? Sans parler des lièvres et des chiens de chasse…

La confusion et le désordre s’installèrent parmi les futurs pensionnaires de l’Arche. Noé en perdit le fil de son recensement, en même temps que sa patience…

La procession

Après bien des difficultés, l’ordre fut rétabli, et la grande procession des animaux s’avança lentement.

Certains venaient de très loin, d’autres de très près : une grande foule de bêtes, grandes et petites, d’oiseaux, et de reptiles…

La procession (suite)

Le grand éléphant et l’ours polaire, la girafe et le tigre rayé, sans oublier le bison laineux…

Ils venaient de partout, des montagnes, de la jungle, des collines et des plaines. Et la terre tremblait sous leurs pas, tandis que le ciel était obscurci par le battement des ailes.

Le dilemme des dinosaures

Puis arrivèrent les énormes dinosaures, car en ce temps-là, ils peuplaient également la terre. Mais ils étaient trop grands pour la porte, et ne pouvaient pas s’y glisser.

Noé fut consterné par cette erreur de calcul, mais ne put trouver aucun moyen d’y remédier.

Hélas ! Les dinosaures durent être laissés à terre.

Ceux qui ne voulurent pas entrer…

Le mammouth, le mastodonte, le dinothérium, le paléothérium, l’anoplotherium, le ptérodactyle et l’archéoptéryx, ainsi qu’une foule d’autres animaux et oiseaux étranges, aux longs noms latins, refusèrent d’entrer, malgré les injonctions de Noé.

Tous ces animaux étaient bien sûr condamnés à être perdus, à devenir des fossiles, qui seraient plus tard exposés dans les vitrines des musées, sous de petites étiquettes.

Embarquement des vivres

Puis Noé embarqua en abondance des provisions de toutes sortes, pour les hommes et les bêtes. Pendant ce temps, à l’intérieur du navire, les animaux affamés se plaignaient de ce que cela aurait dû être fait en premier et non pas en dernier.

Noé fit ensuite monter dans l’Arche son épouse, malgré ses protestations, ainsi que ses fils et leurs familles.

Attente de la pluie

Quand tout fut enfin prêt, le soleil brillait toujours. La pluie ne venait pas. Et ils attendirent, ils attendirent. Et les moqueurs raillaient, prédisant à Noé une saison sèche.

Celui-ci, triste et perplexe, s’étonnait sans jamais douter.

La pluie enfin

Mais la pluie vint enfin. Elle s’abattit sur les moqueurs, qui furent trempés. Les fils de Noé et leurs épouses triomphèrent. Et les animaux eux-mêmes étaient contents.

Cependant, Noé éprouva de la peine pour ceux qui avaient choisi de s’entêter, car il savait qu’il allait pleuvoir de plus en plus fort.

Le déluge

Pendant quarante jours et quarante nuits, la pluie tomba abondamment. Puis les nuages se déchirèrent. Un puissant déluge inonda toutes les terres émergées. Les eaux montèrent, jusqu’à recouvrir les arbres, les collines et même les montagnes. On ne pouvait plus apercevoir le moindre bout de terre.

Mais l’Arche, soulevée par les vagues, flottait en toute sécurité sur une mer déchaînée.

Des moments pénibles

À l’intérieur du navire ballotté par la tempête, l’inconfort était grand et les plaintes récurrentes. De nombreuses bêtes regrettaient même d’avoir été sauvées. « Car, disaient-elles, rien ne pouvait être pire que cela ! »

Le cœur de Noé était lourd…

La vie en mer

Mais, lorsque la tempête fut passée, et que le navire suivit une route plus paisible, tous se sentirent mieux et s’installèrent dans leur nouvelle vie.

Les animaux, en particulier, s’intéressèrent vivement à la liste des passagers qui avait été établie par Noé, pour y trouver leur propre nom.

Ainsi, les jours de farniente s’écoulèrent tranquillement, et la robuste Arche poursuivit lentement sa route.

Découragement

Mais hélas, cela ne pouvait durer. Car, à mesure que les jours s’écoulaient, et que tous restaient prisonniers du navire, ils se mirent à ruminer. Il y eut comme une grosse baisse de moral.

Un douloureux mal du pays, doublé d’un désir de changement, quel qu’en soit la nature, les envahit. Un cri de désespoir s’éleva de l’Arche. De plus, l’étanchéité du bâtiment céda, et l’eau commença à s’infiltrer. Tout allait mal.

La vie devint un fardeau pour Noé et les siens.

Des tensions

C’est alors que la patience et la bonne humeur désertèrent le navire. Les animaux commencèrent à s’agiter. Il y eut des broutilles, qui se transformèrent en querelles plus sérieuses, puis en bataille générale. Le désordre s’installa.

La tâche de Noé devint encore plus difficile ; son fardeau plus lourd à porter.

Envoi du corbeau

Noé était désespéré. Il fallait tenter quelque chose. Il envoya donc un corbeau en reconnaissance, pour ramener des nouvelles du monde extérieur.

Mais le corbeau, une fois libre, ne revint pas. Il s’envola au loin, en se disant : « Quelle chance d’avoir pu m’échapper ! Jamais plus on ne m’y reprendra ! »

Noé attendit des nouvelles, mais ce fut en vain.

Retour de la colombe

Puis, alors que les choses empiraient, Noé décida d’envoyer une colombe.

« C’est un oiseau des plus généreux. Elle ne nous laissera pas tomber » pensa-t-il. Et effectivement la colombe revint, mais c’était parce qu’elle n’avait rencontré que de l’eau, sans aucun repos pour ses petites pattes.

Noé attendit sept jours, et l’envoya à nouveau au loin. Cette fois-ci, elle revint, portant dans son bec un rameau d’olivier !

Tous l’accueillirent avec joie, car maintenant ils savaient que les eaux refluaient.

Premier aperçu de la terre

Noé attendit encore sept jours et envoya de nouveau la colombe. Mais elle ne revint pas.

Noé grimpa à sa lucarne, l’ouvrit, et regarda dehors. Oh, merveille ! Il vit que l’eau s’était retirée de la terre. Celle-ci restait humide, mais ferme.

Immédiatement, la bonne nouvelle fut communiquée aux passagers : tous furent saisis de joie. L’espoir revint.

Sortie de l’Arche

Bientôt, le solide navire heurta le fond. Bien qu’il se soit échoué avec un angle inconfortable, sur la pente d’une montagne, tous, hommes et animaux, comprirent que la croisière en mer était enfin terminée.

Noé ouvrit la porte, et abaissa la passerelle.

Les bêtes et les oiseaux déferlèrent sur le rocher désolé ; et bien que la boue fût épaisse et lourde, tous la préférèrent au plancher du navire.

L’arc-en-ciel

Le soleil se leva à nouveau et assécha l’humidité du sol. Un large arc-en-ciel apparut dans le ciel, signe que jamais plus un déluge ne recouvrirait la terre entière.

Puis ce fut le printemps, avec toute sa gloire et ses promesses. Un nouveau monde commençait. Tout n’était que vie et joie.

Épilogue

Noé ordonna aux bêtes et aux oiseaux de s’éloigner, et de chercher de nouvelles demeures. Ils se dispersèrent dans toutes les directions, pour commencer leur nouvelle vie, tandis que la femme de Noé murmurait : « Bon débarras… », jurant qu’elle ne remettrait plus les pieds sur un bateau.

Noé était heureux ; il put enfin se laisser aller au repos.

Et c’est ainsi que se termine l'histoire de l’Arche de Noé.

Illustration de Jacopo Bassano