... un conte des frères Grimm
… avec des illustrations d’Élisabeth Ivanovksy
Les illustrations de ce conte ne sont pas dans le domaine public.
Un paysan avait un chien fidèle qui s’appelait Sultan. Mais quand le chien fut devenu vieux et qu’il eut perdu toutes ses dents, il ne pouvait plus mordre. Aussi le paysan dit-il un jour à sa femme :
« Demain, je tuerai notre vieux Sultan. Il ne nous sert plus à grand-chose. Mais la fermière eut pitié de la pauvre bête et répondit :
— Ce chien nous a servis fidèlement pendant de nombreuses années, il a mérité que nous le nourrissions maintenant par charité.
— Non, non, pas de sensibleries, reprit le fermier. Plus personne n’a peur de lui. Il nous faut un autre chien, qui pourra effrayer les voleurs. »
Or, la pauvre bête avait entendu la conversation de ses maîtres et fut bien triste en apprenant que son dernier jour était arrivé. Dans son désarroi, elle s’échappa et courut dans le bois se plaindre de son sort à un loup de ses amis.
« N’aie pas peur, lui dit celui-ci, j’ai une idée derrière la tête. Sans doute que le fermier et la fermière iront demain faire les foins, et ils emmèneront probablement leur jeune enfant avec eux. Ils déposeront le bébé près d’une meule. Je sortirai du bois et j’emporterai l’enfant. Tu partiras à ma poursuite, et tu le rapporteras aux parents. Ils s’imagineront que tu l’as sauvé de mes crocs et ils te seront tellement reconnaissants qu’ils ne voudront plus se séparer de toi. Tu seras dorloté jusqu’à la fin de tes jours. »
Le chien trouva que l’idée était bonne et le lendemain tout se passa comme le loup l’avait imaginé. Le fermier et la fermière poussèrent des cris affreux en voyant le loup emporter leur enfant, et ils furent fous de joie quand ils virent que Sultan le leur ramenait.
« Mon bon Sultan, dit le fermier, tu resteras avec nous aussi longtemps que tu vivras. Dorénavant, tu auras ta place près du feu, et tu ne devras plus travailler ni monter la garde dehors. »
Ce jour-là, commença pour Sultan la vie la plus douce qu’on peut imaginer.
Quelques semaines plus tard, il alla remercier le loup, qui fut heureux d’apprendre que son stratagème avait si bien réussi.
« Mais, en revanche, j’espère que tu fermeras les yeux si j’essayais un jour de m’emparer d’une brebis ou d’un agneau.
— Ah pour ça, n’y compte pas, je défendrai fidèlement les intérêts de mon maître. »
La nuit suivante, le loup, qui avait faim, parvint à s’introduire dans la bergerie. Sultan l’entendit, réveilla son maître, qui se munit d’une grande fourche et attaqua le loup.
Celui-ci s’enfuit en criant à l’adresse de Sultan :
« Tu me paieras ça ! »
Le lendemain matin, le loup envoya un porc pour provoquer le chien en duel.
À l’heure fixée pour le combat, le vieux Sultan se rendit au bois accompagné de son témoin, qui était un vieux chat boiteux.
Ce chat marchait péniblement et faisait de tels efforts pour avancer que sa queue se dressait toute droite. Le loup s’imagina qu’on accourait sur lui le sabre levé - ce n’était que la queue du chat -, et comme la pauvre bête trébuchait en marchant, le loup pensa qu’à chaque pas, elle ramassait une pierre pour la lui lancer.
Pris de frayeur, il grimpa dans un arbre, tandis que son ami le cochon se dissimulait sous un tas de feuilles mortes. Seules, ses oreilles dépassaient. Le chien et le chat furent surpris de ne voir personne au lieu de rendez-vous. Ils explorèrent en vain les environs, quand le chat aperçut quelque chose qui bougeait dans les feuilles. Il crut avoir affaire à une souris et mordit de toutes ses forces dans l’oreille du cochon. Celui-ci, pris de peur, essaya de se dégager tout en criant :
« Il est dans l’arbre, le voleur ! »
Le chien et le chat levant la tête aperçurent alors le loup. Tout honteux, celui-ci descendit de son arbre. Il se réconcilia avec le chien et dorénavant, tous vécurent ensemble en parfaite amitié.
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