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Le nain Tracassin

... un conte des frères Grimm

... illustré par George Roland Halkett


Ce conte est parfois intitulé Rumpelstilzchen ou Rumpelstiltskin.

Texte intégral. Le texte et les illustrations du conte, sauf couverture, sont dans le domaine public.


Le nain Tracassin - Rumpelstilzchen - par Anne Anderson

Illustration de couverture par Anne Anderson


Il était une fois un meunier qui était fort pauvre, mais qui avait une fille d’une grande beauté. Il arriva qu’il eut l’occasion de parler au roi et, pour se donner de l’importance, il lui dit :

« J’ai une fille qui sait filer la paille en or. »

Le roi répondit :

« C’est là un art qui me plaît ! Si ta fille est aussi habile que tu le dis, amène-la demain dans mon château, je l’y mettrai à l’épreuve. »


Le nain Tracassin - Rumpelstilzchen - par George-Roland Halkett

Lorsqu’on lui eut amené la jeune fille, il la conduisit dans une chambre pleine de paille, lui donna une roue et un dévidoir, et lui dit :

« Maintenant, mets-toi au travail, et si tu n’as pas filé cette paille en or d’ici demain matin, tu mourras. »


Le nain Tracassin - Rumpelstilzchen - par George-Roland Halkett

Là-dessus, il ferma lui-même la chambre et elle y resta seule.

La pauvre fille était assise là, et ne savait que faire ! Elle n’avait jamais entendu dire qu’il fût possible de filer de la paille pour en faire de l’or ! Son angoisse ne cessait de croître, si bien qu’elle se mit à pleurer.


Le nain Tracassin - Rumpelstilzchen - par George-Roland Halkett

Tout à coup, la porte s’ouvrit. Un petit bonhomme entra et dit :

« Bonsoir, demoiselle meunière, pourquoi pleures-tu ?

— Hélas ! répondit la jeune fille. Je dois filer de la paille pour en faire de l’or, et je ne sais pas comment m’y prendre.

Le petit homme répondit :

— Que me donneras-tu, si je le fais pour toi ?

— Le collier que je porte au cou » dit la fillette.

Le petit homme prit le collier, s’assit devant le rouet et ronronna, ronronna ; trois fois il tira, la bobine était pleine. Puis il en enfila une autre, et ronronnant, ronronnant, ronronnant, trois fois tirée, la deuxième fut aussi pleine. Et ainsi de suite jusqu’au matin, où toute la paille fut filée et toutes les bobines pleines d’or.

Au lever du soleil, le roi arriva et, à la vue de l’or, il fut étonné et se réjouit. Mais son cœur n’en devint que plus avide de richesses.


Le nain Tracassin - Rumpelstilzchen - par George-Roland Halkett

Il fit transporter la jeune fille dans une chambre encore plus grande, remplie de paille, et lui ordonna de la filer en une nuit, si elle tenait à la vie.

La jeune fille ne savait que faire et pleurait, quand la porte s’ouvrit de nouveau. Le petit homme apparut et dit :

« Que me donneras-tu si je file pour toi, la paille en or ?

— La bague que je porte au doigt » dit la fillette.

Le petit homme prit l’anneau, se remit à ronronner avec sa roue et, au matin, il avait filé toute la paille en or brillant.

Le roi se réjouit beaucoup à cette vue, mais il n’était pas encore rassasié d’or. Il fit amener la fille du meunier dans une troisième chambre, encore plus grande, pleine de paille, et lui dit :

« Il faut que tu la files cette nuit encore. Mais cette fois ci, si tu réussis, tu seras mon épouse. »

« Même si c’est la fille d’un meunier, se disait-il, aucune femme au monde ne me procurera une pareille fortune. »

Quand la jeune fille fut seule, le petit homme revint pour la troisième fois et demanda :

« Que me donneras-tu, si je te file la paille cette fois encore ?

— Je n’ai plus rien à vous donner, répondit la jeune fille.

— Alors promets-moi, si tu deviens reine, ton premier enfant. »

« Qui sait comment les choses vont tourner ? » se dit la fille du meunier qui, dans l’urgence, ne savait que faire. Elle promit donc au petit homme ce qu’il demandait, et en échange, celui-ci fila encore une fois la paille en or. Le matin, le roi arriva et trouva tout comme il l’avait souhaité. Il l’épousa, et la fille du meunier devint reine.

Durant la première année de son règne, elle mit au monde un bel enfant et ne pensait plus du tout au petit homme, quand, soudain, il fit irruption dans sa chambre et dit :

« À présent, donne-moi ce que tu m’as promis. »

La reine, terrifiée, lui offrit toutes les richesses du royaume s’il voulait lui laisser l’enfant. Mais celui-ci répondit :

« Non, je préfère quelque chose de vivant à tous les trésors du monde. »

La reine se mit à gémir et à pleurer si fort que le petit homme eut pitié d’elle :

« Je te laisse trois jours, dit-il. Si d’ici là, tu as appris mon nom, tu pourras garder ton enfant. »


Le nain Tracassin - Rumpelstilzchen - par George-Roland Halkett

Toute la nuit, la reine fit l’inventaire de tous les noms qu’elle connaissait. Puis, elle envoya des messagers à travers tout le pays, avec pour mission de se renseigner et de lui en rapporter de nouveaux.


Le nain Tracassin - Rumpelstilzchen - par George-Roland Halkett

Quand le petit homme revint, elle commença par : Gaspard, Melchior, et Balthazar, puis énuméra tous les noms qu’elle connaissait dans l’ordre, mais à chaque fois le petit homme répondait :

« Non, ce n’est pas mon nom. »

Le deuxième jour, elle fit demander au voisinage comment les gens s’appelaient, et donna au petit homme les noms les plus inhabituels et les plus étranges.

« Peut-être t’appelles-tu Pied de Biche ? Ou Côte de Mouton ? Ou Tire-Lacet ?

Mais il répondait invariablement :

— Non, je ne m’appelle pas comme ça. »

Le troisième jour, le messager royal revint et raconta :

« Je n’ai pas pu trouver de nouveaux noms. Mais comme j’arrivais à une haute montagne, au coin de la forêt, là où le renard et le lièvre se disent bonne nuit, j’ai vu une petite maison, devant laquelle brûlait un feu. Tout autour, sur une jambe, sautait un drôle de petit bonhomme, en chantant à tue-tête :


« Aujourd’hui je fais du pain, demain je fais de la bière,

Après-demain, j’irai chercher l'enfant de la reine ;

Ah ! Comme il est bon que personne ne sache

Que je m’appelle Tracassin ! »


Le nain Tracassin - Rumpelstilzchen - par George-Roland Halkett

Vous pouvez imaginer la joie de la reine en entendant ce nom, et lorsque peu après le petit homme entra et lui dit : « Eh bien, Madame la Reine, quel est mon nom ? », elle demanda d’abord :

« T’appelles-tu Conrad ?

— Non.

— Est-ce que tu t’appelles Henri ?

— Non.

— C’est donc que tu t’appelles … Tracassin !

— C’est le diable qui te l’a dit, c’est le diable qui te l’a dit ! » s’écria le petit homme.


Le nain Tracassin - Rumpelstilzchen - par George-Roland Halkett

Et, de colère, il enfonça son pied droit si profondément dans la terre, qu’il s’y enfouit jusqu’au corps. Puis, dans sa rage, il saisit son pied gauche à deux mains et se déchira lui-même en deux.

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