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    Hansel et Gretel

    Dernière mise à jour : 29 août 2022

    ... un conte des frères Grimm

    ... illustré par Arthur Rackham


    Texte intégral. Le texte et les illustrations du conte, sauf couverture, sont dans le domaine public.


    Hansel et Gretel par Kay Nielsen

    Illustration de couverture par Kay Nielsen


    Il était une fois un pauvre bûcheron qui demeurait au coin d’un bois, avec sa femme et ses deux enfants : un garçon qui s’appelait Hansel, et une fille du nom de Gretel. Ils avaient peu de chose à se mettre sous la dent, et une année qu’il vint une grande cherté de vivres, il fut impossible à l’homme de gagner le pain quotidien.

    Une nuit qu’il se tournait et se retournait dans son lit sous le poids des tourments, il soupira et parla à sa femme :

    « Qu’allons nous devenir ? Comment pourrons-nous nourrir nos pauvres enfants, alors que nous n’avons plus rien pour nous-mêmes ?

    — Tu sais quoi, mon époux ? répondit la femme. Demain, tôt le matin, nous conduirons les enfants dans la forêt, là où elle est la plus dense. Nous y ferons du feu et nous donnerons à chacun un morceau de pain. Puis nous irons travailler en les laissant seuls. Ils ne trouveront plus le chemin de la maison et nous en serons débarrassés.

    — Non femme, dit l’homme, je ne ferai jamais cela ! Comment pourrais-je supporter de laisser mes enfants seuls dans la forêt ! Les bêtes sauvages les dévoreraient aussitôt.

    — Tu veux donc que nous mourions de faim tous les quatre ? En ce cas, il ne te reste qu’à façonner nos cercueils ! »

    Et elle ne le laissa plus tranquille jusqu’à ce qu’il se décidât.

    « Mais les pauvres enfants me manqueront aussi », se lamentait l’homme.


    Cependant, les deux enfants qui, tourmentés par la faim, ne s’étaient pas endormis, avaient entendu ce que leur belle-mère racontait à leur père. Gretel pleura amèrement, et dit à Hansel :

    « Que va-t-il advenir de nous ?

    — Calme-toi, répondit Hansel. Ne t’inquiète pas, je vais nous tirer de là. »

    Et alors que les parents dormaient, il se leva, enfila sa camisole, ouvrit le bas de la porte, et se faufila dehors. La lune brillait de tous ses rayons, et les cailloux blancs qui jonchaient le devant de la maison, scintillaient comme une multitude de pièces d’argent. Hansel se pencha et en ramassa autant que ses poches pouvaient en contenir. Puis il rentra et dit à Gretel :

    « Sois rassurée ma chère sœur, et endors-toi en paix, Dieu ne nous laissera pas tomber. » Puis il s’allongea dans son lit.


    Au point du jour, avant le lever du soleil, la femme vint réveiller les enfants :

    « Levez vous, paresseux, nous devons aller en forêt chercher du bois.

    Puis elle leur donna à chacun un morceau de pain et ajouta :

    — Vous avez ainsi de quoi manger pour le déjeuner, mais ne le mangez pas avant, car vous n’aurez plus rien après. »

    Gretel prit le pain dans sa blouse, car Hansel avait les poches remplies de cailloux. Puis ils se mirent en route pour la forêt. Lorsqu’ils eurent fait un bout de chemin, le petit garçon s’arrêta et regarda vers la maison. Puis, après quelques pas, il recommença. Le père dit alors :

    « Hansel, que regardes-tu là bas et pourquoi restes-tu en arrière ? Fais attention et n’oublie pas tes jambes !

    — Ah mon père, dit Hansel, je regarde mon chat blanc qui nous contemple du haut du toit, et qui veut me dire adieu.

    La femme déclara :

    — Idiot ! Ce n’est pas ton chat, c’est le soleil, qui brille sur la cheminée. » Mais Hansel ne regardait pas son chat : il jetait à chaque fois un caillou blanc tiré de sa poche…


    Hansel et Gretel Arthur Rackham

    Une fois arrivé au milieu de la forêt, le père dit : « Les enfants, allez ramasser du bois. Je vais faire un feu pour ne pas que vous ayez froid. »

    Hansel et Gretel ramenèrent quelques fagots, de quoi en faire un joli tas. On y mit le feu, et quand les flammes s’élevèrent, la femme déclara :

    « Mettez vous près du feu, les enfants, reposez vous. Nous allons dans la forêt couper du bois. Lorsque nous en aurons fini, nous reviendrons vous chercher. »

    Les enfants s’assirent près du feu, et lorsque midi fut venu, ils mangèrent chacun un petit morceau de pain. Parce qu’ils entendaient les coups de la cognée, ils pensaient que leur père était proche. Mais ce n’était pas les coups de la cognée, c’était une branche qu’il avait attaché à un arbre mort, et que le vent balançait de ci de là. Comme ils étaient assis depuis un long moment, le sommeil leur vint et ils s’endormirent. Lorsqu’ils s’éveillèrent, le crépuscule était déjà bien avancé. Gretel se mit à pleurer et dit :

    « Comment allons-nous sortir du bois maintenant ?

    Hansel la consola :

    — Attends un peu que la lune se lève, nous retrouverons bien notre chemin. »

    Et quand la lune fut bien levée, Hansel prit sa sœur par la main et suivit les petits cailloux blancs qu’il avait semés. Ils scintillaient comme des pièces d’argent fraîchement frappées, et leur montraient le chemin. Ils marchèrent toute la nuit et arrivèrent à l’aube devant la maison de leur père. Ils frappèrent à la porte, la femme ouvrit et lorsqu’elle s’aperçut que c’était Hansel et Gretel, elle leur dit :

    « Méchants enfants, pourquoi avez dormi aussi longtemps dans la forêt ? Nous avons cru que vous ne vouliez plus revenir à la maison ! »

    Le père, quant à lui, était enchanté, car il avait le cœur gros de les avoir abandonnés.


    Peu de temps après, la misère s’étant de nouveau répandue dans toute la contrée, les enfants entendirent de nouveau leur belle-mère s’adresser à son mari :

    « Tout est à nouveau mangé : nous n’avons plus qu’une demi miche de pain. Il n’est plus temps de rire. Nous devons nous séparer des enfants. Il faut les emmener plus loin dans la forêt, afin qu’ils ne puissent plus retrouver le chemin du retour. »

    L’homme se sentit bouleversé, et il pensa : « Ce serait mieux de partager les dernières bouchées avec nos enfants. » Mais la femme l’accabla de reproches : « Qui dit oui une fois, doit le dire deux fois, et qui a cédé une fois, doit céder à nouveau ».

    Tandis que les parents dormaient, Hansel se leva, et voulut sortir pour ramasser des graviers comme la fois précédente. Mais la femme avait fermé la porte à clé et il ne put sortir. Il rassura sa sœur et lui dit :

    « Ne pleure pas, Gretel, dors tranquillement, le Bon Dieu nous viendra en aide ! »


    Tôt le matin, la femme vint tirer les enfants du lit. Ils reçurent chacun leur morceau de pain, qui était encore plus petit que la fois précédente. En cheminant, Hansel le brisait dans sa poche, s’arrêtait, et jetait une miette sur le sol.

    « Hansel ! Pourquoi t’arrêtes-tu et regardes-tu autour de toi ? l’interpellait le père, avance !

    — Je regarde ce petit pigeon, qui s’est posé sur le toit et me fait au revoir » répondit le garçon.

    — Nigaud ! dit la femme. Ce n’est pas un pigeon, c’est le soleil qui se lève, et qui brille sur la cheminée. »

    Mais Hansel continuait à jeter ses miettes sur le chemin.

    La femme mena les enfants si avant dans la forêt, que de leur vie ils n’avaient pénétré jusque-là. On y alluma encore un grand feu, et la mère dit :

    « Mes enfants, restez assis là. Si vous êtes fatigués, vous pouvez dormir un peu. Nous allons plus loin couper du bois, et, sitôt que nous aurons fini, nous viendrons vous reprendre. »

    Vers midi, Gretel partagea son pain avec son frère, qui avait éparpillé le sien sur le chemin. Puis ils s’endormirent. Le soir vint, mais personne ne vint reprendre les pauvres enfants. Ils se réveillèrent au beau milieu de la nuit. Hansel rassura sa sœur et lui dit :

    « Attends jusqu’à ce que la lune se lève : nous verrons les miettes de pain que j’ai semées. Elles nous montreront le chemin de la maison. »

    Lorsque la lune fut haute dans le ciel, ils se levèrent. Mais ils ne trouvèrent aucune miette de pain, car les milliers d’oiseaux qui voletaient dans les bois et les prés les avaient picorées. Hansel dit à Gretel : « Nous retrouverons bien notre chemin ! »

    Mais ils ne le retrouvèrent pas. Ils marchèrent toute la nuit, et le lendemain encore, du matin au soir, mais ils ne trouvèrent jamais la sortie de la forêt. Ils étaient affamés, car ils n’avaient rien mangé d’autre que quelques baies sur le chemin. Comme ils étaient épuisés, et que leurs jambes refusaient de les porter plus loin, ils s’allongèrent sous un arbre et s’endormirent. Cela faisait déjà trois jours qu’ils avaient quitté la maison de leur père. Ils se remirent en marche, mais ils s’enfoncèrent encore plus avant dans la forêt.

    Vers midi, ils virent un bel oiseau blanc perché sur une haute branche, et qui lançait de si belles trilles qu’ils restèrent à l’écouter. Lorsqu’il eut fini, il étendit ses ailes et se mit à voleter autour d’eux. Ils le suivirent jusqu’à ce qu’ils arrivent à une maisonnette, sur le toit de laquelle il se jucha. Quand les enfants s’approchèrent, ils virent que la maison était faite de pain d’épices, que son toit était constitué de gâteaux secs, et ses fenêtres de sucre transparent.

    « Voilà où nous pouvons avoir un bon repas, dit Hansel. Je vais manger un morceau de la toiture. Et toi, Gretel, tu mangeras un morceau de la fenêtre : c’est plus sucré. »

    Hansel se hissa sur le toit, et ramena un peu du faîtage pour le goûter, tandis que Gretel se tenait près de la fenêtre et la grignotait. C’est alors que retentit une petite voix, qui venait de l’intérieur :

    « Qui frappe, qui frappe, qui frappe ? Qui frappe à ma petite maison ?

    Les enfants répondirent :

    — C’est le vent ! »

    Et ils mangeaient sans s’arrêter. Hansel, à qui le toit plaisait beaucoup, en avait pris un bon morceau. Gretel avait cassé tout un carreau de vitre, pour se rassasier.

    Soudain, la porte s’ouvrit et apparut une très vieille femme, appuyée sur une canne.


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    Hansel et Gretel en furent tellement effrayés, qu’ils en laissèrent tomber ce qu’ils avaient dans les mains. La vieille femme hocha de la tête, et s’exclama :

    « Hé, mes enfants ! Qui vous a emmenés jusqu’ici ? Entrez donc, et restez chez moi, il ne vous arrivera rien. »

    Elle les attrapa tous les deux par la main, et les entraîna dans sa maison. Puis elle leur servit un bon repas : du lait, des crêpes au sucre, des pommes et des noisettes. Enfin, un bon lit les attendait, tout recouvert de draps blancs. Hansel et Gretel s’y plongèrent, en rêvant qu’ils étaient au Ciel…

    La vieille s’était faite amicale, était en réalité une méchante sorcière. Elle avait tendu un piège aux enfants, en construisant une maisonnette en pain d’épices pour les attirer. Lorsqu’un enfant tombait en son pouvoir, elle le tuait, le faisait bouillir, et le mangeait. C’était pour elle un festin de roi. Les sorcières ont les yeux rouges et la vue courte, mais elles ont le nez fin, et sentent l’approche des hommes. Quand Hansel et Gretel s’étaient approchés de la maison, la sorcière avait éclaté d’un mauvais rire : « Je les tiens, s’était-elle dit ; ils ne peuvent m’échapper ! »


    Le matin, de bonne heure, avant que les enfants fussent réveillés, elle se leva. Tandis qu’ils reposaient si gentiment, avec leurs joues pleines et roses, elle se disait tout bas : « Cela va me faire un repas succulent. » De sa main sèche, elle saisit Hansel, le porta dans une petite étable, et l’y enferma. Il eut beau crier, rien n’y fit. Elle s’approcha ensuite de Gretel, et la secoua pour la réveiller.

    « Debout, fainéante, va chercher de l’eau, et fais cuire quelque chose de bon pour ton frère. Il est assis dehors, dans l’étable, et doit engraisser. Quand il sera à point, je pourrai le manger. »

    Gretel se mit à pleurer amèrement. Mais tout cela était inutile, elle devait faire ce que la méchante sorcière lui avait ordonné.

    La meilleure cuisine fut alors réservée pour Hansel, alors qu’à Gretel, on ne servait que les têtes d’écrevisses. Chaque matin, la vieille se précipitait à l’étable, et criait :

    « Hansel, passe ta main par les barreaux, que je vois si tu es bien gras ! »


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    Hansel lui glissait alors un vieil os, et la vieille, qui n’y voyait presque plus, pensait que c’était sa main, et s’étonnait de ce qu’il ne voulait pas engraisser. Quatre semaines passèrent. Hansel était toujours aussi maigre. La vieille, à bout de patience, ne voulut plus attendre.

    « Gretel, appela-t-elle, va chercher de l’eau ! Que ton frère soit gras ou qu’il soit maigre, demain je le tue et je le cuis. » La pauvre Gretel pleurait toutes les larmes de son corps, en allant puiser de l’eau. Elle s’écriait :

    « Mon Dieu, venez à mon aide. Si les bêtes féroces nous avaient mangés dans la forêt, du moins nous serions morts ensemble.

    — Cesse de gémir, dit la vieille, cela ne t’avance à rien. »

    Le lendemain matin, Gretel remplit la marmite, la suspendit dans la cheminée, et alluma le feu.

    « Nous allons d’abord faire du pain, dit la vieille. J’ai déjà chauffé le four et pétri la pâte.

    Elle poussa la pauvre Gretel vers le four, duquel les flammes sortaient déjà.

    — Penche-toi pour voir si c’est suffisamment chaud, afin que nous puissions y enfourner le pain. »


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    Puis lorsque Gretel fut assez proche, elle voulut ouvrir le four pour la faire rôtir dedans, et ensuite la dévorer. Mais la fillette, devinant ses intentions, dit :

    « Je ne sais pas comment faire pour entrer dedans !

    — Petite buse ! dit la vieille. La porte est assez grande, ne vois-tu pas que même moi je peux y passer ? » affirma-t-elle en rampant, et en passant la tête dans le four. Alors Gretel lui donna un bon coup, si bien qu’elle bascula à l’intérieur. Puis elle referma la porte en fer, et tira le verrou.

    La vieille hurla. Mais Gretel partit en courant, tandis que l’horrible sorcière brûlait abominablement.

    Elle courut tout droit vers Hansel, lui ouvrit l’étable et lui cria :

    « Nous sommes libres, la vieille sorcière est morte ! »

    Hansel bondit comme un oiseau de sa cage lorsqu’on lui ouvre la porte. Les deux enfants se jetèrent au cou l’un de l’autre, et s’embrassèrent tendrement. Comme ils n’avaient plus peur, ils parcoururent la maison de la sorcière. Ils trouvèrent dans tous les recoins des caisses remplies de perles et de pierreries.

    « C’est bien plus beau que des cailloux » déclara Hansel en remplissant ses poches de ce qui pouvait bien y entrer.

    Gretel dit : « Je veux aussi rapporter quelque chose à la maison », et elle remplit également son tablier. « Partons maintenant, ordonna Hansel. Sortons de cette forêt maléfique. » Après deux heures de marche, ils arrivèrent près d’une rivière.

    « Nous ne pouvons pas traverser, affirma Hansel, je ne vois ni passerelle ni pont.

    — Il ne passe aucun bateau non plus, renchérit Gretel, mais je vois un canard blanc. Si je le lui demande, il nous aidera à traverser.

    Et elle appela :

    — Canard, gentil canard, nous n’avons ni passerelle, ni pont. Fais-nous traverser sur ton dos. »

    Le canard approcha, et Hansel s’installa sur son dos. Il pria sa sœur de le rejoindre.

    « Non, répondit Gretel ce serait trop lourd pour lui. Il doit nous faire passer l’un après l’autre. »

    L'aimable volatile s’acquitta bravement de sa tâche. Lorsqu’ils furent passés et qu’ils eurent fait un bout de chemin, la forêt se fit de plus en plus familière. Soudain, ils aperçurent la maison de leur père. Ils se mirent alors à courir, se précipitèrent à l’intérieur, et sautèrent au cou de leur père. Cet homme n’avait pas eu une heure de repos depuis qu’il avait abandonné ses enfants dans la forêt ; sa femme d’ailleurs était morte. Gretel vida son tablier : les perles et les pierres précieuses roulèrent dans la chambre, et Hansel en jeta de sa poche à pleines poignées. Tous les soucis avaient enfin pris fin, et ils purent vivre avec bonheur ensemble.


    Mon conte est fini,

    Là court une souris,

    Qui l’attrape s’en peut faire un bonnet à poil.

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