Extrait du recueil Les Médailles d’argile, 1903
Fatalité, par Jan Toorop - 1893
La haute lampe
Brûle sur la table en silence,
Droite parmi les livres lus
Où ma tête s’est inclinée ;
Je n’entends plus,
Mélancolique et vigilante,
Passer et rôder par la chambre
La vieille Année.
Elle s’est faite humble, patiente et grave
En sa grise robe d’hiver,
Pour s’asseoir près de l’âtre clair
Où se chauffent ses mains baissées ;
Elle s’est faite douce et grave
Avec des pas légers qui semblent
Marcher à travers mes pensées
Sur de la cendre.
Les corbeilles d’été et les paniers d’automne
Sont là, pendus au mur, et parfois
L’osier craque, le vent frissonne
Aux roseaux du vase où se sèchent
Leurs tiges et leurs feuilles, et parfois
Je tressaille et j’écoute
Et je la vois,
Immobile en sa robe grise
Sans que jamais murmure sa bouche
Plus rien des chansons désapprises
Qu’elle chantait dans l’été riant
En tressant brin à brin,
Avec ses mains,
L’osier souple et le jonc pliant
Et le saule qui se redresse
Et cingle et qu’on tourne en corbeilles.
Seul son rouet ronfle et bourdonne
Avec un bruit lointain d’abeilles
Qui s’enfle, s’approche et recule.
Et monotone
Semble filer du crépuscule.
L’horloge haute
En sa maison d’écaille et de buis
Ajoute une heure à l’heure qui fuit
Et le temps va de l’une à l’autre
Jusqu’à minuit.
Alors la silencieuse Année, assise
À l’âtre en sa robe rose et grise
Se lève et rallume le feu qui s’éteint ;
Une grande flamme d’espoir
Monte et rougit le pavé noir
Et réchauffe ses mains glacées,
Et je crois voir,
Au seuil déjà du temps qui vient,
Son visage nouveau sourire à mes pensées.
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