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Photo du rédacteurLucienne

La porte, Louis Mercier

... extrait du Poème de la maison, 1929

L'horloge, Edward Lamson Henry

La porte, par Carl Larsson



La porte tout le jour demeure ouverte, et laisse

Entrer paisiblement au cœur de la maison

La lumière du ciel et l’odeur des saisons.

 

Elle rit au lever du soleil qui la dore

Et bâille pour humer la fraîcheur de l’aurore ;

Elle a pour visiteurs les souffles du printemps

Et la rumeur des blés dans les mois éclatants.

 

Elle n’est point sévère aux mendiants qui passent

Et, comme aux temps anciens, chargés d’une besace,

Vont demandant leur pain, pour l’amour du bon Dieu :

Elle sait que ceux-là n’ont pas de mauvais yeux,

Qu’ils ne jetteront pas de sort sur les étables,

Et qu’on les fait asseoir quelquefois à la table.

 

Souvent même elle fait un accueil indulgent

Aux bêtes qui chez nous vivent avec les gens :

Les poules sur le seuil gloussent, grattent, picorent,

Cependant que le coq, impudent et sonore,

Brave le chien maussade et cherche son butin

Jusqu’aux pieds de la huche où l’on serre le pain,

 

Ô porte, prends garde à

Celle qui vient

Quand la lampe est morte,

Qui, sans bruit, sans faire aboyer le chien,

Sait ouvrir la porte !

 

Guette le chemin qui serpente et fuit

Sous les noirs ombrages,

Observe les champs, surveille la nuit,

Car la Mort voyage...

 

Car la Mort voyage et prend notre toit

Volontiers pour gîte,

Et cette étrangère au foyer s’assoit

Sans qu’on l’y invite.

Malheur aux maisons qui laissent entrer

Son ombre avec l’ombre !

 

Au retour de l’aube on verra pleurer

Leurs fenêtres sombres ;

Et le lendemain et le jour suivant,

Funèbrement closes,

Elles auront l’air de taire aux vivants

D’effroyables choses ;

 

Puis, lorsque les morts enfin s’en iront,

Les portes farouches,

Comme pour crier vers eux ouvriront,

Béante, leur bouche...

 

Veille, ô porte, afin que

Celle qui vient

Quand la lampe est morte

Ne surprenne, un soir, les âmes des tiens

Et ne les emporte !



... par Carl Larsson

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