Le chant de l'alouette, par Jules Breton
Le jour commence à peine à blanchir les collines,
La plaine est grise encore ;
Au long des près, bordés de sureaux et d’épines,
Le soleil aux traits d’or
N’a pas encore changé la brume en perles fines.
Et déjà, secouant dans les sillons de blé
Tes ailes engourdies,
Alouette, tu pars le gosier tout gonflé
De jeunes mélodies,
Et tu vas saluer le jour renouvelé.
Dans l’air te balançant, tu montes et tu chantes,
Et tu montes toujours.
Le soleil luit, les eaux frissonnent, blanchissantes ;
Il semble qu’aux alentours
Ton chant ajoute encore des clartés plus puissantes.
Plus haut, toujours plus haut, dans le bleu calme et pur,
Tu fuis, allègre et libre ;
Tu n’es plus pour mes yeux déjà qu’un point obscur,
Mais toujours ta voix vibre ;
On dirait la chanson lointaine de l’azur.
Pour qui l’écoute, un jour de réveil printanier,
Lorsque la feuille pousse,
Elle a des ces accents qu’on ne peut oublier ;
Moins exquise et moins douce
Est la framboise mûre aux marges du sentier ;
Moins vive, l’eau jaillit dans la roche creusée
Où le martin-pêcheur
Baigne l’extrémité de son aile irisée ;
Moins fine est la senteur
De la reine-des-prés, moins fraîche est la rosée.
Tout s’éveille à ta voix : le rude laboureur
Qui pousse sa charrue,
Le vieux berger courbé qui traverse, rêveur,
La grande friche nue,
Se sentent rajeunis et retrouvent du cœur.
Sur tes ailes tu prends les larmes de la terre
À chaque aube du jour,
Et des hauteurs du ciel, par un joyeux mystère,
Tu nous rends en retour
Des perles de gaieté pleuvant dans la lumière.
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