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    Et maintenant que sont tombés les hauts feuillages, Émile Verhaeren

    Photo du rédacteur: LucienneLucienne

    ... extrait du recueil Les Heures du soir


    Automne par Charles Herbert Eastlake

    Illustration de Charles Herbert Eastlake



    Et maintenant que sont tombés les hauts feuillages

    Qui tenaient le jardin sous leur ombre abrité,

    On voit, à travers le branchage à nu, monter

    Là-bas, vers l’horizon, les toits des vieux villages.


    Tant que l’été darda sa joie, aucun de nous

    Ne les a vus groupés non loin de notre porte.

    Mais aujourd’hui que fleurs et que feuilles sont mortes

    Nous y songeons souvent avec des pensers doux.


    D’autres gens vivent là, entre des murs de pierre,

    Derrière un seuil usé que protège un auvent,

    N’ayant pour seuls amis que la pluie et le vent

    Et la lampe dont luit l’amicale lumière.


    Dans l’ombre, au soir tombant, quand s’éveille le feu

    Et que se tait l’horloge où le temps se balance,

    Autant que nous, sans doute, ils aiment le silence

    Pour se sentir penser au travers de leurs yeux.


    Rien ne trouble ni pour eux ni pour nous ces heures

    De profonde et tranquille et tendre intimité

    Où l’on bénit l’instant qui fut d’avoir été

    Et dont celle qui vient est toujours la meilleure.


    Dites, comme eux aussi serrent l’ancien bonheur

    Fait de peine et de joie entre leurs mains qui tremblent.

    Ils connaissent leurs corps qui ont vieilli ensemble

    Et leurs regards usés par les mêmes douleurs.


    Les roses de leur vie, ils les aiment fanées

    Avec leur gloire morte et leur dernier parfum

    Et le lourd souvenir de leur éclat défunt

    Se fripant, feuille à feuille, au jardin des années.


    Contre le noir hiver ainsi que des reclus

    Ils se tiennent blottis dans leur ferveur humaine.

    Et rien ne les abat et rien ne les amène

    À se plaindre des jours qu’ils ne possèdent plus.


    Oh ! Les tranquilles gens au fond des vieux villages !

    Dites, les sentons-nous voisins de notre cœur !

    Et combien, dans leurs yeux, retrouvons-nous nos pleurs

    Et notre force et notre ardeur dans leur courage !


    Ils sont là, sous leur toit, assis autour des feux

    Ou s’attardant parfois au bord de leur fenêtre,

    Et, par ce soir de vent ample et flottant, peut-être

    Ont-ils pensé de nous ce que nous pensons d’eux.

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