... illustré par Gaston Maréchaux
Cette histoire illustrée est présentée sous la forme d’un abécédaire et elle se passe dans le futur, on peut même parler de science-fiction. Elle s’adresse aux petits enfants, dans le cadre de leur apprentissage du français. Mais le livre a été édité en 1936, et donc le futur imaginé par les auteurs se passe en… 2001. Il est intéressant aujourd’hui de voir comment, à l’époque, le progrès technologique était envisagé. Et, bien sûr, comme toute belle histoire pour les enfants, elle se termine à Noël, un Noël dans le futur…
Les dessins sont de Gaston Maréchaux, qui a illustré de très nombreux livres pour enfants dans la première moitié du XXème siècle.
Le texte présenté ci-dessous a été modernisé, pour être plus accessible aux jeunes enfants d’aujourd’hui.
L’histoire d’Alex se déroule dans beaucoup, beaucoup d’années, en l’an 2001. Il n’y a plus de calèches, plus d’automobiles, plus de tramways. Tout le monde se déplace en aéroplane ! Oui, imaginez que les enfants eux-mêmes vont à l’école en avion ! Chaque enfant possède le sien : des ailes que l’on porte, comme un sac à dos. La machine qui le fait marcher se trouve sur la poitrine. C’est une boîte avec des fils, des boutons, des manivelles. Et on apprend à s’en servir comme d’une trottinette. C’est très facile. Tout est différent … Mais ce qui est toujours pareil, c’est qu’il faut toujours étudier à l’école, comme autrefois !
Alex, cinq ans, va partir en classe. Maman lui a mis un petit avion. Mais Alex n’est pas pressé. Maman paraît au balcon. Elle crie : « Alex dépêche-toi. Sinon, tu seras en retard ! » Il appuie sur les boutons de son avion, et le voilà qui s’envole, tout doucement, comme un oiseau. Il passe au-dessus du bois de pins. En se penchant, il voit la rivière avec son petit bateau, et le pêcheur à grande barbe. Basile, qu’il reconnaît, laboure son champ. Les grands bœufs blancs traînent la charrue. Et le basset les excite en aboyant. Dans le ciel bleu, là-bas, on voit un ballon tout petit, tout petit…
« Si je n’allais pas en classe, pense Alex, je pourrais jouer avec le chien de Chloé. Il aboie en levant la tête vers moi. Je courrais derrière les canards, coin-coin, et je caresserais le grand chat tigré… Mais il faut obéir à maman… »
Le clocher de l’église se dresse vers le ciel et les cloches font «drelin-drelin.» Un coq en fer forgé marque la direction du vent, mais lui, ne peut faire ni «cocorico», ni s’envoler.
Dans le ciel des groupes d’enfants se hâtent vers l’école. L’avion d’Alex est bleu avec des raies rouges, comme sur un drapeau. Celui de David va vite, vite. Mais Alex, tenté par le diable, fait des pirouettes. Il a décidé de ne pas aller à l’école ! C’est si amusant de désobéir ! D’abord il ira entendre de la musique chez Daphné, son amie. Elle a des disques si jolis… Mais une douleur l’arrête. Il a mal à une dent qui ne veut pas tomber.
Alex est prêt à pleurer. Il n’a pas été à l’école. Il sera puni et il a si mal. Il pleure et, distrait, se cogne contre un épouvantail. Sa peur est telle que sa douleur cesse tout d’un coup. Mais Alex est intelligent. Il fait une grimace au vilain bonhomme et lui tire la langue.
Mais où est-il ? Il s’est perdu sans doute. Devant lui, un étang au bord duquel un enfant joue avec un grand escargot.
« Y a-t-il des écrevisses ? demande-t-il.
— Mais non, elles n’aiment que l’eau vive. Tu ne sais pas ça ? »
Il ne pense déjà plus à sa famille, ni aux punitions. Et pour jouer, il s’enfonce dans la forêt. C’est comme dans les histoires d’aventures, on ne sait pas ce qui va se passer. D’abord il cueille des fleurs. Il y en a tant qu’il ne connaissait pas. Mais un petit bruit le fait sursauter. Serait-ce un fantôme ? Il n’ose bouger. Un bel oiseau glisse entre les branches. Il reconnaît sur un fagot un faisan, car papa en a tué un à la chasse.
Tout ça, c’est très joli. Mais il doit être midi maintenant, et Alex commence avoir faim. Il s’assied un instant au pied d’une colline. Il pense qu’à la maison, à cette heure, on est en train de déjeuner : de la viande rôtie sur le gril, une grande galette, puis de la glace avec des petits gâteaux. Maman aurait mis encore un bon goûter dans le sac d’école de son petit gourmand. Et après l’école, elle l’aurait amené au guignol, qu’il aime tant.
Alex fait une grimace en évoquant tous ces plaisirs manqués et son goût des aventures diminue considérablement.
Alex a retiré son appareil. Il s’est étendu dans l’herbe. Les yeux grands ouverts, il regarde les hirondelles qui volent très bas. Maman dit toujours :
« C’est signe de pluie ! » S’il allait pleuvoir ? Alex maintenant n’a plus de forces et s’endort.
Quand il se réveille, le soleil est déjà couché. Tout près de lui une bête, avec des épingles grises plantées sur tout le corps, mange un ver. Un hérisson, quelle horreur ! Il a peur. Il éclate en sanglots… Quand tout à coup devant lui se dresse un homme…
« Papa ! Papa ! crie Alex, et il se jette dans les bras de son père. Papa a l’air triste et fâché. Il dit :
— J’ai été très inquiet. J’ai pensé que tu étais tombé du ciel, tu es si imprudent. Ce soir Idris m’a dit qu’il t’avait vu descendre du côté de l’île… Allons ne pleure plus et rentrons. »
Alex a remis ses ailes. Et bientôt, avec, papa, il reprend le chemin de la maison. À présent il fait nuit et des insectes qui ont peur du jour, se mettent à voler.
Dans le jardin, maman attend. Croyant Alex perdu, elle a pleuré pendant des heures. Son visage est tout jaune de chagrin. Mais quand elle voit deux avions descendre au-dessus de sa maison, un grand et un tout petit, elle pousse un grand cri de joie.
Alex est dans ses bras. Elle l’embrasse, le caresse. J’ai eu si peur de ne jamais te revoir, chéri !
« Mais je suis grand, dit Alex un peu honteux, je ne me perds pas. J’ai voulu jouer, voilà tout.
— Il vaudrait mieux ne pas recommencer » dit sévèrement papa.
Après cette aventure, Alex a fait un rêve : il se trouvait dans un pays merveilleux et tout rempli de fleurs. Et ce pays était le celui des nains.
Dans un pré, des kangourous jouaient. Les mères kangourous portaient leurs petits dans la poche qu’elles ont sur le ventre. Alex discutait avec un soldat portant un képi bordé de rouge, alors qu’un autre arrivait, habillé d’un uniforme kaki. Puis Alex entendit un cri et un battement d’ailes, un kakatoès paraissait se moquer d’eux…
Mais Alex, sans peur, avançait crânement, vêtu d’une grande cape de laine. Il portait une lance.
Une petite fille à la peau blanche comme du lait s’avança, et lui remit une lettre. « La reine t’attend » dit-elle.
Un laquais fit avancer une voiture traînée par des lions. Alex s’assit sur des coussins couleur de lune, et la voiture partit aussitôt. Dans les chemins, des petits lapins se sauvaient, effrayés…
La voiture roula longtemps. Les lions fatigués tiraient la langue. Enfin, on arriva devant la maison de la reine Margot. La reine portait un manteau de velours magnifique.
« Alex, je t’attendais » dit-elle en lui tendant la main.
Mais ce qui étonna le plus Alex, ce fut de voir venir Raton avec un costume de roi et une couronne sur la tête.
« À présent, tu seras militaire, dit la reine. Raton, ici présent, est mon mari, le roi. Tu seras à son service et le suivras partout. »
La reine Margot ajouta :
« Le navire vous attend, vous partirez tout de suite.
— Je vais mettre mes bottes noires, dit Raton, car il va sans doute pleuvoir, il y a beaucoup de nuages.
À ce moment, Raton revint, chaussé de ses grandes bottes. La reine l’embrassa :
— Bonne chance, Raton. Au revoir, Alex. »
Sitôt qu’ils furent dans le bateau, Raton dit :
« Nous allons nous amuser. Car tu penses bien que nous n’allons pas à la guerre ! Mais tu dois avoir faim. Nous allons manger. »
Alors un domestique apporta un oiseau rôti entouré d’olives. C’était délicieux. Au dessert, il y eut un œuf en chocolat.
Après le dîner, Raton et Alex s’amusèrent à regarder les poissons dans l’eau. Sur un grand rocher, ils aperçurent un phoque qui jouait avec une balle.
« Chic, dit Raton, on va faire une photo.
— Si on lui jetait du pain, proposa Alex, il serait peut-être content.
— Vite, sortons notre parapluie, car il va pleuvoir ! »
La cabine était très jolie, avec des papillons peints sur les murs. Dans une cage, un perroquet vert et bleu sautait sur une patte. Il dit :
« Bonjour Papa ! Bonjour Papa ! »
Le bateau touche le quai. Un beau chien avec une grande queue accueille les voyageurs ! Il est du quartier, et s’amuse à voir les gens débarquer. Alex et Raton descendent. Au bout de la rue des enfants jouent aux quilles.
« Allons les rejoindre, dit Alex. J’aimerais jouer avec eux ! »
Mais lorsqu’il s’approche, le jeu de quilles s’écroule avec fracas .
Alex pousse un cri. Il se réveille dans son lit. Un rayon de soleil entre dans sa chambre. Sur sa table de nuit il voit un bouquet de roses fraîches.
Maman est là avec sa belle robe rouge. Elle lui dit :
« Tu as fait un rêve, mon chéri. Mais Alex en pleurant demande :
— Où est la reine Margot ? Et le rat, est-il tombé dans la rivière ? » Maman le console. Elle lui explique qu’il est un peu malade et qu’il doit prendre des remèdes.
Alex a été bien malade pendant une semaine. Le docteur est venu. Il a ordonné du sirop. Et Alex est guéri. Il retourne à l’école. Maman lui a mis son petit avion, il a pris son sac et le voilà parti.
À l’école, ses camarades lui demandent ce qui est arrivé. Il raconte :
« J’ai fait un voyage avec Mickey. Nous sommes allés dans un pays où vivent beaucoup de bêtes sauvages. Mais les plus drôles, ce sont les singes. Un soir, j’ai vu un nuage de sauterelles.
Mais David rit très fort et dit :
— Tu penses bien qu’on ne la croit pas ton histoire ! »
Beaucoup, beaucoup de jours ont passé. On a tout à fait oublié l’aventure d’Alex. À présent, c’est l’hiver. Il y a de la neige partout. Le 24 décembre, le Père Noël distribue ses jouets en avion, naturellement. Et comme autrefois, il apporte des poupées pour les filles, des trains mécaniques, des toupies, des tambours pour les garçons. Chez Alex, il y a une grande table avec un arbre tout illuminé. Alex monte sur un tabouret, coupe les ficelles qui retiennent les jouets. Il va les distribuer à ses amis, à David, à Theo, à Tiffany. On entend chanter : «Mon beau sapin ».
Le plus joli d’entre les cadeaux est une boîte de soldats de plomb. Leurs uniformes bleus et rouges sont éblouissants. Ils sortent directement de l’usine du Père Noël. Le petit Ulysse et Alex les rangent en ordre de bataille sur la table.
C’est chic de jouer aux soldats ! Même si on n’aime pas la guerre. Quelques-uns ont des uniformes bleu horizon, d’autres, des uniformes kaki : ce sont des coloniaux.
Les officiers portent de grandes capes de drap rouge, comme les toréadors. Alex est le général des armées d’Algérie. Ulysse préfère la cavalerie française, car il aime beaucoup monter à cheval. Les deux amis se donnent de tout cœur à ce jeu et n’entendent plus rien !
Mais maman, qui n’aime pas les jeux guerriers fronce les sourcils. Elle tape dans ses mains en disant :
« Vous n’avez donc ni soif, ni faim, mes enfants ! »
Pourtant, j’ai préparé à votre intention un grand gâteau et de la citronnade.
Les autres enfants trouvent encore, sous le sapin de Noël, un charmant petit village en papier. Il y a des maisons, beaucoup de moutons blancs, des vaches et même un veau. Des wagons de toutes couleurs roulent sur un pont. Mais le plus joli, c’est une petite église avec des vitraux en verre rouge.
On ne finira jamais de s’amuser avec toutes ces merveilles ! Xavier, qui est bon musicien, joue sur le xylophone «Mon beau sapin». Alex, écoute, les yeux grands ouverts. C’est ravissant ! Mais bientôt il découvre un autre jeu : toutes les lettres de l’alphabet en bois, réunies dans une boîte. Il les connaît déjà presque toutes. Mais l’X, la lettre avec laquelle commence le nom de son ami Xavier et l’Y comme Yseult sont vraiment difficiles à retenir. Alex essaye de composer des mots.
« On écrit bien zouave avec un Z, n’est-ce pas? demande Alex.
— Et zèbre aussi et zébu - c’est une bête comme une vache, mais il a une bosse sur le dos -.
— Tes lettres sont en zig-zag, dit Ulysse. Il faut les mettre droites.
— Zut, toi !
Et Alex tire la langue. Maman s’avance comme une reine :
— C’est un vilain mot, Alex. On ne le dit pas à un ami, surtout un soir de fête.
Or, voilà que tous les petits enfants ont appris à lire très vite avec ces lettres en bois. Nous espérons que vous aussi, chers petits, vous apprendrez à lire vite avec l’histoire d’Alex.
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