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Les sapins, Guillaume Apollinaire

Extrait du recueil Alcools, 1913


llustration de Juli Julievich Klever, 1889



Les sapins en bonnets pointus

De longues robes revêtus

Comme des astrologues

Saluent leurs frères abattus

Les bateaux qui sur le Rhin voguent


Dans les sept arts endoctrinés

Par les vieux sapins leurs aînés

Qui sont de grands poètes

Ils se savent prédestinés

À briller plus que des planètes


À briller doucement changés

En étoiles et enneigés

Aux Noëls bienheureuses

Fêtes des sapins ensongés

Aux longues branches langoureuses


Les sapins beaux musiciens

Chantent des Noëls anciens

Au vent des soirs d’automne

Ou bien graves magiciens

Incantent le ciel quand il tonne


Des rangées de blancs chérubins

Remplacent l’hiver les sapins

Et balancent leurs ailes

L’été ce sont de grands rabbins

Ou bien de vieilles demoiselles


Sapins médecins divagants

Ils vont offrant leurs bons onguents

Quand la montagne accouche

De temps en temps sous l’ouragan

Un vieux sapin geint et se couche.

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