Les Dieux s’en vont, Jacques Villebrune

... extrait du recueil Sonnets Mystiques, 1886

Rubens, Les deux Satyres

Les dieux s’en vont. « Tant mieux » dit la foule avec joie,

Et s’en court adorer une fille de joie ;

Ils puisent leur esprit chez le marchand de vin,

Et foulent à leurs pieds tout ce qui luit divin.

Peuple, les rois, les dieux surtout, c’est la patrie,

Est-ce qu’un sol abject fait votre idolâtrie ?

Ô vieux peuple sans âme et sans religions,

Vous serez une proie aux jeunes nations.

Mais Dieu n’habite pas, dites-vous, dans les villes.

Crois-tu donc qu’il se plaise à vos fêtes serviles ?

Le Dieu des infinis habite l'éternel ;

Regarde dans la nuit profonde, vers le ciel :

Un Dieu passe, imprévu, couvert de sombres voiles,

Sur le chariot d’or des tremblantes étoiles.