Louis XIV, peintre anonyme
Il faut que je vous conte une petite historiette, qui est très vraie et qui vous divertira. Le roi se mêle depuis peu de faire des vers ; MM. Saint-Aignan et Dangeau lui apprennent comment il faut s’y prendre. Il fit l’autre jour un madrigal que lui-même ne trouva pas trop joli. Un matin, il dit au maréchal de Grammont :
« Monsieur le maréchal, lisez, je vous prie, ce petit madrigal, et voyez si vous en avez jamais vu un si impertinent : parce qu’on sait que depuis peu j’aime les vers, on m’en apporte de toutes les façons.
Le maréchal, après avoir lu, dit au roi :
— Sire, Votre Majesté juge divinement bien de toutes les choses ; il est vrai que voilà le plus sot et le plus ridicule madrigal que j’aie jamais lu.
Le roi se mit à rire et lui dit :
— N’est-il pas vrai que celui qui l’a fait est bien fat ?
— Sire, il n’y a pas moyen de lui donner un autre nom.
— Oh bien ! dit le roi, je suis ravi que vous m’en ayez parlé si bonnement : c’est moi qui l’ai fait.
— Ah ! Sire, quelle trahison ! Que Votre Majesté me le rende, je l’ai lu brusquement.
— Non, monsieur le maréchal, les premiers sentiments sont toujours les plus naturels.»
Le roi a fort ri de cette folie, et tout le monde trouve que voilà la plus cruelle petite chose que l’on puisse faire à un vieux courtisan. Pour moi qui aime toujours à faire des réflexions, je voudrais que le roi en fît là-dessus, et qu’il jugeât par là combien il est loin de connaître jamais la vérité.
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