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Photo du rédacteurLucienne

Les fées

... de Charles Perrault

Texte intégral

Avec des illustrations de Gordon Laite


Seul le texte de ce conte est dans le domaine public.


les fées perrault nadezha illarionova

Illustration de couverture par Nadezhda Illarionova


Il était une fois une veuve qui avait deux filles : l’aînée lui ressemblait si fort d’humeur et de visage, que, qui la voyait, voyait la mère. Elles étaient toutes deux si désagréables et si orgueilleuses, qu’on ne pouvait vivre avec elles. La cadette était le vrai portrait de son père pour la douceur et l’honnêteté. Comme on aime naturellement son semblable, cette mère était folle de sa fille aînée et, en même temps, avait une aversion effroyable pour la cadette. Elle la faisait manger à la cuisine et travailler sans cesse.


les fées de charles perrault, par Gordon Laite

Il fallait, entre autres choses, que cette pauvre enfant allât, deux fois par jour, puiser de l’eau à une grande demi-lieue du logis, et qu’elle en rapportât une pleine cruche. Un jour qu’elle était à cette fontaine, il vint à elle une pauvre femme qui la pria de lui donner à boire.

« Voilà, ma bonne mère ! » lui dit la jeune fille.


les fées de charles perrault, par Gordon Laite

Rinçant aussitôt sa cruche, elle puisa de l’eau au plus bel endroit de la fontaine et la lui présenta, soutenant toujours la cruche, afin qu’elle bût plus aisément. La bonne femme, ayant bu, lui dit :

« Vous êtes si bonne et si honnête, que je ne puis m’empêcher de vous faire un don. - Car c’était une fée qui avait pris la forme d’une pauvre femme de village, pour voir jusqu’où irait l’honnêteté de cette jeune fille -. Je vous donne pour don, poursuivit la fée, qu’à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou une fleur, ou une pierre précieuse. »

Lorsque cette fille arriva au logis, sa mère la gronda de revenir si tard de la fontaine.

« Je vous demande pardon, ma mère, dit cette pauvre fille, d’avoir tant tardé !

Et, en disant ces mots, il lui sortit de la bouche deux roses, deux perles et deux gros diamants.


les fées de charles perrault, par Gordon Laite

— Que vois-je là ? dit sa mère tout étonnée. Je crois qu’il lui sort de la bouche des perles et des diamants. D’où vient cela, ma fille ? - C’était là, la première fois qu’elle l’appelait sa fille -.

La pauvre enfant lui raconta naïvement tout ce qui lui était arrivé, non sans jeter une infinité de diamants.

— Vraiment, dit la mère, il faut que j’y envoie ma fille. Tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre sœur, quand elle parle. Ne seriez-vous pas bien aise d’avoir le même don ? Vous n’avez qu’à aller puiser de l’eau à la fontaine, et, quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner bien honnêtement.

— Il me ferait beau voir ! répondit la brutale. Moi ? Aller à la fontaine !

— Je veux que vous y alliez, reprit la mère, et tout de suite. »

Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau flacon d’argent qui fût dans le logis. Elle ne fut pas plutôt arrivée à la fontaine, qu’elle vit sortir du bois une dame magnifiquement vêtue, qui vint lui demander à boire. C’était la même fée qui était apparue à sa sœur, mais qui avait pris l’air et les habits d’une princesse, pour voir jusqu’où irait la malhonnêteté de cette fille.

« Est-ce que je suis ici venue, lui dit cette brutale orgueilleuse, pour vous donner à boire ? Justement j’ai apporté un flacon d’argent tout exprès pour donner à boire à madame ? J’en suis d’avis : buvez à même si vous voulez.

— Vous n’êtes guère honnête, reprit la fée, sans se mettre en colère. Eh bien ! Puisque vous êtes si peu obligeante, je vous donne pour don qu’à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou un serpent, ou un crapaud. »


les fées de charles perrault, par Gordon Laite

Dès que sa mère l’aperçut, elle lui cria :

« Eh bien ! Ma fille !

— Eh bien ! Ma mère ! lui répondit la brutale, en jetant deux vipères et deux crapauds.


les fées de charles perrault, par Gordon Laite

— Ô ciel, s’écria la mère, que vois-je là ? C’est sa sœur qui en est la cause : elle me le paiera ! »

Et aussitôt elle courut pour la battre. La pauvre enfant s’enfuit et alla se sauver dans la forêt.

Le fils du roi, qui revenait de la chasse, la rencontra, et, la voyant si triste, lui demanda ce qu’elle faisait là toute seule et ce qu’elle avait à pleurer.

« Hélas ! Monsieur, c’est ma mère qui m’a chassée du logis. »

Le fils du roi, qui vit sortir de sa bouche cinq ou six perles et autant de diamants, la pria de lui dire d’où cela lui venait. Elle lui conta toute son aventure. Le prince, considérant qu’un tel don valait mieux que tout ce qu’on pouvait donner en mariage à une autre, l’emmena au palais du roi son père, où il l’épousa.


les fées de charles perrault, par Gordon Laite

Quant à sa sœur, elle se fit tant haïr, que sa propre mère la chassa de chez elle. La malheureuse, après avoir bien couru sans trouver personne qui voulût la recevoir, alla mourir au coin d’un bois.



MORALITÉ


L’honnêteté coûte des soins,

Et veut un peu de complaisance,

Mais tôt ou tard elle a sa récompense,

Et souvent dans le temps qu’on y pense le moins.


AUTRE MORALITÉ


Les diamants et les pistoles,

Peuvent beaucoup sur les esprits.

Cependant, les douces paroles

Ont encore plus de force, et sont d’un plus grand prix.

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