En promenade avec un ami dans la haute vallée de l’Aisne, au sud des Ardennes, à la fin de mai 1885, Paul Verlaine est touché par le charme simple de la campagne. Il s’amuse à associer à cette promenade les personnages des célèbres contes de Charles Perrault, unissant dans la même évocation d’une soirée de printemps, celle de l’imaginaire enfantin.
Illustration de Elizabeth Forbes
La Belle au Bois dormait. Cendrillon sommeillait.
Madame Barbe-Bleue ? Elle attendait ses frères ;
Et le petit Poucet, loin de l’ogre si laid,
Se reposait sur l'herbe en chantant des prières.
L’Oiseau couleur-du-temps planait dans l’air léger
Qui caresse la feuille au sommet des bocages
Très nombreux, tout petits, et rêvant d'ombrager
Semaille, fenaison, et les autres ouvrages.
Les fleurs des champs, les fleurs innombrables des champs,
Plus belles qu’un jardin où l’Homme a mis ses tailles,
Ses coupes et son goût à lui, - les fleurs des gens ! -
Flottaient comme un tissu très fin dans l’or des pailles,
Et, fleurant simple, ôtaient au vent sa crudité,
Au vent fort, mais alors atténué, de l’heure
Où l’après-midi va mourir. Et la bonté
Du paysage au cœur disait : Meurs ou demeure !
Les blés encore verts, les seigles déjà blonds
Accueillaient l’hirondelle en leur flot pacifique.
Un tas de voix d’oiseaux criait vers les sillons
Si doucement qu’il ne faut pas d'autre musique...
Peau d’Âne rentre. On bat la retraite - écoutez ! -
Dans les États voisins de Riquet-à-la-Houppe,
Et nous joignons l'auberge, enchantés, esquintés,
Le bon coin où se coupe et se trempe la soupe !
Calendrier Blackie's 1919
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